Liste de citations (2010-2012)

Avertissement (2023)

Les citations ci-dessous ont été retrouvées 10 ans plus tard dans les méandres de mon ordinateur. Les ouvrages cités sont ceux que l’on retrouve largement cités dans ma thèse. Mais il semble qu’il manque beaucoup d’ouvrages dans lesquels j’avais puisés également des citations sans retrouver les dites-citations (par exemple Le gai savoir). Je ne fournis donc que ce que j’ai retrouvé. J’ai opéré un léger filtre enlevant les citations que je ne comprenais plus ou que je trouvais vraiment sans intérêt. La présence des citations ici ne signifie ni que je les aimais à l’époque (en 2010-2012) ni que je les aime maintenant (en 2023). Il y a de très nombreuses « épines » comme chacun le constatera. Parfois j’ai noté la citation justement pour l’épine qu’elle contient. On pourrait croire que cela concerne essentiellement les citations de Nietzsche. Il n’en est rien. Il y a de nombreuses citations non-Nietzschéennes ci-dessous pour lesquelles je vois des épines et pour lesquelles je pourrais faire un commentaire mais je n’en ai ni le temps ni l’envie. Les citations sont donc données « telles quelles » avec cette idée que même si je ne suis pas d’accord avec leur contenu, elles contiennent un certain pouvoir de générer des interrogations. Ne serait-ce que le « suis-je d’accord ? ». Et c’est à ce titre qu’elles ont leur place ici.

J’ai aimé Nietzsche, je l’aime encore et sans doute que je l’aimerai toujours même si je ne suis pas du tout Nietzschéen. Néanmoins, ses citations, listées les unes après les autres ici, rendent très mal compte de sa philosophie d’une part et de qui il était d’autre part. C’est pourquoi je déconseille d’aborder la philosophie Nietzschéenne en lisant mon catalogue de citations. Il faut lire l’œuvre et éventuellement commencer par les ouvrages plus faciles d’accès (peut-être Par-delà le bien et le mal, La généalogie de la morale ou Le gai savoir mais je ne suis pas sûr d’être de bon conseil car cela remonte à trop longtemps). Le petit ouvrage de Stephan Sweig « Nietzsche » me semble également un bon point de départ.

J’ai choisi de ne mettre que le titre des ouvrages sans le nom des auteurs. Ne me demandez pas pourquoi ce choix, je ne sais pas. Peut-être parce que c'est souvent "mal cité" (faute d'ortographe, approximation...). Et j’ai fait une exception pour Stephan Sweig. Idem, je ne sais pas pourquoi. J’ai simplement estimé que je devais faire une exception pour Stephan Sweig.

[2023 : Viafx24]

Les épistémologies constructivistes

  1. [Epistémologie positiviste] : « La connaissance que constitue progressivement la science est la connaissance de la réalité, une réalité postulée indépendante des observateurs qui la décrivent (même si leurs descriptions n’en sont pas indépendantes) »

  2. [Epistémologie constructivistes] : « Le réel connaissable peut être construit pas ses observateurs qui sont dès lors ses constructeurs. […] La réalité connaissable doit pouvoir être cognitivement construite. Une hypothèse relative à la méthode d’élaboration ou de construction de cette connaissance qui ne fera plus appel à une norme du vrai mais à une norme de faisabilité. […] On a toujours cherché des explications quand c’était des représentations qu’on pouvait seulement essayer d’inventer. […] La connaissance implique un sujet connaissant et n’a pas de sens ou de valeur en dehors de lui. […] Le sujet ne connait pas de chose en soi mais il connait l’acte par lequel il perçoit l’interaction entre les choses. »

  3. « Longtemps le biologiste s’est trouvé devant la téléologie comme auprès d’une femme dont il ne peut pas se passer mais en compagnie de qui il ne veut pas être vu en public »

  4. « A la question « pourquoi » on peut répondre par « afin de » ou bien par « parce que ». Connaitre en termes de fins plausibles constitue un mode de connaissance au moins aussi bien raisonné que de connaitre en termes de cause probable »

Contre la méthode

  1. « Les enfants font usages des mots, ils les combinent, ils jouent avec eux jusqu’au moment où ils en saisissent le sens qui jusqu’alors leur avait échappé. Et l’activité ludique initiale est une condition essentielle de l’acte finale de compréhension. Il n’y a pas de raisons que ce mécanisme cesse de fonctionner chez l’adulte. »

  2. « La meilleure entité qui puisse à elle seule détourner un scientifique moderne de faire ce que « sa conscience scientifique » lui dit de poursuivre, c’est encore le dollar ».

  3. « Une théorie peut être incompatible avec l’évidence empirique non parce qu’elle est incorrecte, mais parce que c’est l’évidence même qui est viciée »

  4. « Les théorise sont testées et éventuellement réfutées par des faits. Les faits contiennent des composantes idéologiques, des conceptions plus anciennes qu’on a perdu de vue qui n’ont peut-être jamais été formulées de façon explicite. De telles composantes sont hautement suspectes. »

  5. « On conclura qu’il est souhaitable de laisser les inclinations aller à l’encontre de la raison dans n’importe quelles circonstances car la science peut en tirer profit. »

  6. « Le premier pas en direction d’une nouvelle cosmologie, ai-je dit, est un pas en arrière. […] Amorcer un nouveau courant signifie reculer d’un pas par rapport à l’évidence empirique »

  7. « La propagande est essentielle. Elle est essentielle parce qu’il faut créer l’intérêt a un moment ou les prescriptions méthodologiques habituelles ne trouvent pas les points d’attaque et parce que cet intérêt doit être maintenu peut-être pendant des siècles jusqu'à ce que de nouvelles raisons surviennent »

  8. « Développez vos idées de façon qu’elles puissent être critiquées ; attaquez les impitoyablement ; n’essayez pas de les protéger, exhibez leurs points faibles ; éliminez-les aussitôt que ces points faibles sont devenus manifestes -- ce sont là quelques règles mises en avant par nos rationalistes critiques »

  9. « Pour nous résumer : ou que nous regardions, quelques soit les exemples que nous considérions, nous voyons que les principes du rationalisme critique (prendre les réfutations aux sérieux, élargir le contenu , éviter les hypothèses ad-hoc, « être honnête » - si cela signifie quelque chose- et ainsi de suite) et a fortiori les principes de l’empirisme logique (être précis, fonder les théories sur des mesures, éviter les idées vagues et peu sûres ; et ainsi de suite) rendent mal compte du déroulement passé de la science, et sont susceptibles de retarder les progrès futur. Ils rendent mal compte d’une science bien plus molle et irrationnelle que son image méthodologique. Et ils sont susceptible de la retarder car les efforts pour rendre la science plus « rationnelle » et plus précise sont voués à la supprimer, nous l’avons vu ».

  10. « Ces déviations, ces erreurs, sont les conditions du progrès. Elles permettent à la connaissance de survivre dans le monde complexe et difficile que nous habitons, elles nous permettent de rester des agents libre et heureux. Sans chaos, point de savoir. Sans une destitution fréquente de la raison, pas de progrès. Les idées qui aujourd’hui forme la base même de la science n’existe que parce qu’il y a eu des préjugés, de la vanité, de la passion ; parce que cela se sont opposés à la raison ; et parce qu’on les a laissés agir à leur guise. Nous devons conclure que même à l’intérieur de la science, la raison ne peut pas et ne doit pas avoir une portée universelle, qu’elle doit souvent être outrepassée ou éliminée en faveur d’autres instances. Il n’y a pas de règle qui reste valide dans toutes les circonstances et pas une seule instance à laquelle on puisse toujours faire appel. […] [En science], tout est bon [traduit depuis l’anglais « Everything Goes » qu’on pourrait aussi traduire par « tout va » ou « tout convient ».]

  11. « L’anarchiste épistémologique : « ses buts restent stables ou changent à la suite d’une discussion, ou par ennui, ou après une expérience de conversion, ou pour impressionner une maitresse et ainsi de suite. Si on lui donne un but, il peut essayer de l’atteindre avec l’aide de groupes organisés ou tout seul, il peut se servir de sa raison, de l’émotion, du ridicule, d’un engagement profond et de tout autre moyen inventé par l’homme pour obtenir le meilleur de leur semblable. »

  12. « Etant donné un but, l’ « a-méthode » (non-méthode ; [absence de méthode]) de l’anarchiste a une plus grande chance de réussir que n’importe quel ensemble de critères, règles ou prescriptions bien définis »

  13. « Si aucune argumentation ne peut détruire l’anarchisme épistémologique, on peut cependant démontrer son absurdité : où donc est l’anarchiste qui, par pur esprit de contradiction, sort d’un bâtiment par la fenêtre du 50 ème étage au lieu de prendre l’ascenseur ? »

  14. « Les langues et les types de réaction qu’elles impliquent ne sont pas seulement des instruments servant à décrire les évènements mais aussi les façonnent. »

Pour une éthique du futur

  1. « Des dilemmes totalement inédits, une complexité croissante, le raffinement des nuances ont été introduits par la biotechnologie dans le règne de la moralité et demandent à être examiné par la philosophie laquelle n’a bien souvent à offrir que des compromis entre principes antagoniste : là réside un aspect important du syndrome technologique : la puissance due à la pensée auparavant inconnue, confronte précisément cette pensée à des taches nouvelles auparavant inconnues ».

  2. « La nature peut-elle supporter l’esprit qu’elle a fait naitre de son sein ? Faut-il que trop harcelé par lui, elle l’élimine en revanche de son système ? L’esprit est-il en mesure de se rendre supportable en fin de compte à la nature s’il s’aperçoit qu’elle ne le supporte pas ? »

  3. « La responsabilité doit être du même ordre de grandeur que cette puissance, et comme celle-ci, englobe donc tout l’avenir de l’homme sur terre. »

  4. « L’éthique a besoin de cette futurologie -- projection au loin selon une méthode scientifique --. »

  5. « Quant à la futurologie de l’avertissement, il nous faut commencer par l’apprendre pour parvenir à l’autorégulation de notre pouvoir déchainé. Toutefois, elle ne pourrait servir d’avertissement que pour ceux qui, en dehors de la science des causes et des effets, cultivent également une image de l’homme qui les engage moralement et qu’ils éprouvent comme confiée à leur garde. »

  6. « L’homme est le seul être connu de nous qui puisse avoir une responsabilité. En pouvant l’avoir, il l’a. Être capable de responsabilité signifie déjà être placé sous le commandement de celle-ci : le pouvoir même entraine avec lui le devoir »

  7. « Toute futurologie sérieuse telle que l’exige l’objectif de la responsabilité devient une branche de la recherche qu’il convient de cultiver en soi et sans relâche en suscitant la coopération de nombreux experts dans les domaines les plus divers. »

  8. « L'homme est le seul être connu de nous qui puisse avoir une responsabilité. Immédiatement, nous reconnaissons dans ce pouvoir davantage qu’une simple donnée empirique. Nous y reconnaissons un critère distinctif et décisif de l’essence humaine dans sa dotation en être »

  9. « Mais dès lors la capacité de responsabilité devient elle-même son propre objet étant donné que sa détention oblige à perpétuer sa présence dans le monde »

  10. « Pourtant c’est avant tout l’accusation montrant ces êtres du futur comme nos victimes qui nous interdit moralement la distanciation égoïste du sentiment, généralement justifiée par l’éloignement considérable de l’objet : « cela ne saurait être, nous ne pouvons l’admettre, nous n’avons pas le droit de le faire ».

La pensée éthique contemporaine

  1. « Si à partir des 1960, les progrès en matière de médecine et de science de la vie ont rendu nécessaire la création de comité d’éthique c’est que nous nous sommes trouvés en quelques sorte dépassés par les possibilités techniques que nous avons créés et que nous avons eu besoin de penser nos actes afin de les orienter vers une finalité qui ne soit pas seulement celle de l’exercice de la puissance mais aussi celle de la réalisation de l’humain. »

  2. « Le questionnement éthique vient donc se loger dans cet écart entre le possible et le désirable que le progrès de la science et le cours tragique de l’histoire ont rendu nécessaire »

  3. « Mais que désigne précisément l’éthique ? le non synthétisable par excellence, une expérience irréductible se donnant, non point dans la synthèse mais dans le face à face de l’humain, tout simplement une rencontre de l’autre, une saisie, devant le visage de ma responsabilité ».

  4. « Néanmoins, l’impossibilité d’une fondation éthique à partir de la science s’impose à l’observateur. Alors que la technique planétaire suscite l’interrogation éthique, le positivisme ambiant refoule cette dernière »

  5. « Dans quelle mesure la prolongation de la vie est-elle désirable ? » comme le signalait Kierkegaard, la mort envisagée dans le sérieux, n’est-elle pas une source d’Energie comme nulle autre ? Ne stimule elle pas l’action ? Et si la transformation de l’essence de l’agir humain faisait elle perdre à l’esprit sa profondeur ? A l’homme animé de sérieux, la pensée de la mort à venir indique le but à diriger sa course. La mort est un stimulant de la vie et le sérieux comprends que l’idée de la mort représente une invitation à l’action. Ne perdons pas notre temps. »

  6. « D’une manière générale, maitrise génétique et action sur le système nerveux sont grosses de dangers parce qu’elles portent sur le socle vital de l’identité personnelle »

  7. « Savoir si nous sommes qualifiés pour ce rôle démiurgique, c’est là la question la plus grave qui puisse se poser à l’homme qui se découvre subitement en possession d’un tel pouvoir destinal »

  8. « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »

  9. « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie »

  10. « Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre ».

  11. « Je prends en charge l’humanité future qui, à l’évidence, ne fera rien en ma faveur. Cette non réciprocité de l’impératif de Jonas constitue un élément caractéristique puisque mon obligation n’est nullement l’image inversée du devoir de l’autre ».

  12. « Rawls imagine une assemblée de personne libre (situation hypothétique) réunis pour choisir les règles et principes devant guider la structure de la société. Les partenaires, pleinement rationnels, absolument conscient des données concernant l’histoire de l’humanité sont par contre entièrement ignorant de leur propre caractéristique individuelle et de leur place dans l’association future, Rawls parle d’un voile d’ignorance […] Le voile d’ignorance garantit une procédure de délibération équitable puisque les parties en présence ne décident pas en fonction de caractéristiques arbitraires ».

L’éthique aujourd’hui

  1. « Et il n’est pas difficile de montrer, par de nombreux exemples, qu’étendre les limites de ce qu’on peut appeler la police morale, jusqu'à ce qu’elle empiète sur la liberté la plus incontestablement légitime de l’individu, est, de tous les penchants humains, l’un des plus universels ».

  2. « Il existe une émotion spécifique qu’il faut apprendre à maitriser pour acquérir la vertu, et qu’il faut savoir contrôler pour manifester la vertu : la peur pour le courage, l’avidité pour l’équité, la colère pour la douceur. »

Présentation de la philosophie

  1. « Que dois-je faire et non pas que doivent faire les autres C’est ce qui distingue la morale du moralisme. La morale n’est légitime qu’a la première personne. Les devoirs ne doivent que pour soi. Pour les autres, la miséricorde et le droit suffisent. »

  2. « Fais à autrui comme tu veux qu’on te fasse »

  3. « Puisque nous sommes tous égoïstes, autant l’être intelligemment tous ensemble »

  4. « La morale dans son principe est désintéressée. Aucune politique ne l’est. La morale est universelle. Toute politique est particulière. La morale est solitaire (elle ne vaut qu’à la première personne). Toute politique est collective. La morale ne saurait tenir lieu de politique, pas plus que la politique de morale. Nous avons besoin des deux. Et de la différence entre les deux. »

  5. « Les vrais philosophes sont déjà mort » écrit Platon et c’est pourquoi la mort ne les effraie pas : que pourrait-elle leur prendre ? ».

  6. « La mort est un beau risque à courir ».

  7. « C’est pourquoi il faut chercher la vérité comme disait Platon « avec toute son âme » --- et d’autant plus que l’âme n’est pas autre chose peut-être bien que cette quête ».

  8. « Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels »

  9. « Dépasser l’homme se serait le trahir ou le perdre. Tout être tend à persévèrer dans son être disait Spinoza et l’être d’un homme n’est pas moins détruit s’il se change en ange que s’il se change en cheval. »

  10. « On ne philosophe pas pour passer le temps, ni pour se faire valoir, ni pour faire joujou avec les concepts : on philosophe pour sauver sa peau et son âme. »

Ainsi parlait Zarathoustra

  1. « Fuis dans ta solitude ! Tu as vécu trop près des petits et des pitoyables. Fuis devant leur vengeance invisible ! ils ne veulent que se venger de toi. N’élève plus les bras contre eux ! Ils sont innombrables et ce n’est pas ta destinée d’être un chasse mouches »

  2. « Aussi font ils souvent les aimables avec toi. Mais c’est ainsi qu’en agit toujours la ruse des lâches. Oui les lâches sont rusés ! ils pensent beaucoup à toi avec leur âme étroite -- tu leur es toujours suspect ! tout ce qui fait beaucoup réfléchir devient suspect. Ils te punissent pour toutes tes vertus. Ils ne te pardonnent du fond du cœur que tes fautes. Puisque tu es bienveillant et juste, tu dis « il sont innocents de leur petite existence » mais leur âme étroite pense : « toute grande existence est coupable ». Même quand tu es bienveillant à leur égard, ils se sentent méprisés par toi ; et ils te rendent ton bienfait par des méfaits cachés. »

  3. « L’humanité n’a pas encore de but. Mais dites-moi mes frères : si l’humanité manque de but, n’est-elle pas elle-même en défaut ? »

  4. « L’un va chez le prochain parce qu’il se cherche, l’autre parce qu’il voudrait s’oublier »

  5. « Tu les dépasses : mais plus tu t’élèves plus tu parais petit aux yeux des envieux. Mais celui qui plane dans les airs est celui que l’on déteste le plus ».

  6. « Comment sauriez-vous être juste envers moi ! -- c’est ainsi qu’il te faut parler -- je choisis pour moi votre injustice, comme la part qui m’est due ».

  7. « Injustice et ordures, voilà ce qu’ils jettent après le solitaire : pourtant mon frère, si tu veux être une étoile, il faut que tu les éclaires malgré tout ! »

  8. « Et garde-toi des accès de ton amour ! trop vite le solitaire tend la main à celui qu’il rencontre […] il y a des hommes à qui tu ne dois pas donner la main, mais seulement la patte : et je veux que ta patte ait aussi des griffes ».

  9. « Mais le plus dangereux ennemi que tu puisses rencontrer sera toujours toi-même ; c’est toi même que tu guettes dans les cavernes et les forets »

  10. « Dit la vieille femme : tu vas chez les femmes ? n’oublie pas le fouet ! »

  11. « Mais si vous avez un ennemi, ne lui rendez pas le bien pour le mal ; car il en serait humilié. Démontrez-lui au contraire, qu’il vous a fait du bien ».

  12. « Il est plus noble de se donner tort que de garder raison, surtout quand on a raison. Seulement il faut être assez riche pour cela ».

  13. « On n’a que peu de reconnaissance pour un maître, quand on reste toujours élève. Et pourquoi ne voulez-vous pas déchirez ma couronne ? »

  14. « Sauriez-vous créer un dieu ? Ne me parler donc plus de tous les Dieux ! Cependant vous pourriez créer le surhomme. Ce ne sera peut-être pas vous-mêmes mes frères ! Mais vous pourriez vous transformer en père et en ancêtre du surhomme : que ce soit votre meilleure création !»

  15. « Créer -- c’est la grande délivrance de la douleur et l’allègement de la vie. Mais afin que naisse le créateur, il faut beaucoup de douleurs et de métamorphose »

  16. « Tous mes sentiments souffrent en moi et sont prisonniers : mais mon vouloir arrive toujours libérateur et messager de joie ».

  17. « Vouloir » affranchit : c’est là la vraie doctrine de la volonté et de la liberté »

  18. « Ne plus vouloir et ne plus évaluer et ne plus créer ! Ô que cette grande lassitude reste toujours loin de moi »

  19. « Dans la recherche de la connaissance, ce n’est encore que la joie de la volonté, la joie d’engendrer et de devenir que je sens en moi ; et s’il y a de l’innocence dans ma connaissance c’est parce qu’il y a en elle de la volonté d’engendrer ».

  20. « Depuis qu’il y a des hommes, l’homme s’est trop peu réjoui. Ceci seul, mes frères, est notre péché originel ».

  21. « Mais on devrait entièrement supprimer les mendiants ! En vérité on se fâche de leur donner et l’on se fâche de ne pas leur donner »

  22. « Cependant, si tu as un ami qui souffre, sois un asile pour sa souffrance mais sois en quelque sorte un lit dur, un lit de camp : c’est ainsi que tu lui seras le plus utile »

  23. « Et si un ami te fait du mal, dis-lui : « je te pardonne ce que tu m’as fait ; mais que tu te le sois fait à toi comment saurais-je pardonner cela ! ainsi parle le grand amour, il surmonte même le pardon et la pitié »

  24. « Ce que le père a tu, le fils le proclame ; et souvent j’ai trouvé révélé par le fils le secret du père ».

  25. « C’est avec ces prédicateurs de l’égalité (tarentules) que je ne veux pas être mêlé et confondu. Car ainsi me parle la justice : « les hommes ne sont pas égaux »

  26. « Partout où j’ai trouvé quelques choses de vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit j’ai trouvé la volonté d’être maitre »

  27. « Et la vie elle-même m’a confié ce secret : « voici m’a-t-elle dit je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même »

  28. « Et toi aussi, toi qui cherches la connaissance, tu n’es que le sentier et la piste de ma volonté : en vérité, ma volonté de puissance marche aussi sur les traces de ta volonté du vrai ! »

  29. « Il n’a assurément pas rencontré la vérité celui qui parlait de la « volonté de vie », cette volonté n’existe pas ».

  30. « Car ce qui n’est pas ne peut pas vouloir ; mais comment ce qui est dans la vie pourrait-il encore désirer la vie ».

  31. « Celui qui n’a pas foi en lui-même ment toujours »

  32. « Les chercheurs/les savants travaillent, semblables à des moulins et à des pillons : qu’on leur jette seulement du grain ! -- ils s’entendent à moudre le grain et à le transformer en blanche farine. Avec méfiance, ils se surveillent les doigts les uns aux autres. Inventifs et petites malices, ils épient ceux dont la science est boiteuse -- ils guettent comme des araignées »

  33. « Ils [Les chercheurs/les savants] savent aussi jouer avec des dés pipés ; et je les ai vus jouer avec tant d’ardeur qu’ils en étaient couverts de sueur. Nous sommes étrangers les uns aux autres et leurs vertus mes sont encore plus contraires que leurs faussetés et leur dés pipés […] et lorsque je demeurais parmi eux, je demeurais au-dessus d’eux. C’est pour cela qu’ils m’en ont voulu »

  34. « Ils ne veulent pas qu’on dise que quelqu’un marche au-dessus de leurs têtes ; et c’est pourquoi ils ont mis du bois, de la terre et des ordures, entre moi et leur têtes »

  35. « Ainsi ils ont étouffé le bruit de mes pas ; et jusqu’à présent ce sont les plus savants qui m’ont le moins bien entendu »

  36. « Et puisque nous savons peu de choses, nous aimons du fond du cœur les pauvres d’esprit, surtout quand ce sont des jeunes femmes ! »

  37. « Car l’état veut absolument être la bête la plus importante sur la terre et tout le monde croit qu’il l’est »

  38. « Qu’importe leurs moqueries ! tu es quelqu’un qui désappris d’obéir maintenant tu dois commander. Ne sais-tu pas quel est celui dont tous ont le plus besoin ? Celui qui ordonne de grandes choses. […] Accomplir de grandes choses est difficile. Plus difficile encore d’ordonner de grandes choses. […] Et voici ta faute la plus impardonnable : tu as la puissance et tu ne veux pas régner »

  39. « Ô Zarathoustra, tu dois aller comme le fantôme de ce qui viendra un jour ; ainsi tu commanderas et en commandant, tu iras de l’avant » […] et je répondis « j’ai honte ». Alors l’autre me dit de nouveau sans voix « il te faut redevenir enfant et sans honte »

  40. « Et c’est toujours à contre cœur que j’ai demandé mon chemin, -- cela me fut toujours contraire ! j’ai toujours préféré interroger et essayer les chemins eux-mêmes »

  41. « Telle est la manière des âmes nobles : elles ne veulent rien avoir pour rien et moins que toute autre chose, la vie. Celui qui fait partie de la populace veut vivre pour rien ; mais nous autres, à qui la vie s’est donnée, nous réfléchissons toujours à ce que nous pourrions donner de mieux en échange »

  42. « Être véridique : peu de gens le savent ! et celui qui le sait ne veut pas l’être ! Moins que tous les autres, les bons ! » Ô ces bons ! les hommes bons ne disent jamais la vérité ; être bon d’une telle façon est une maladie pour l’esprit. »

  43. « Ô mes frères ! je vous investis d’une nouvelle noblesse que je vous révèle : vous devez être pour moi des créateurs et des éducateurs -- des semeurs de l’avenir. »

  44. « C’est à eux que je le dis en plein visage, quoique cela choque la bienséance : en ceci le monde ressemble à l’homme, il a un derrière -- ceci est vrai. »

  45. « Mais il faut plus de courage pour faire une fin qu’un vers nouveau : c’est ce que savent tous les médecins et tous les poètes. »

  46. « Un parasite : c’est un vers rampant et insinuant qui veut s’engraisser de tous vos recoins malades et blessés. Et ceci est son âme de deviner où les âmes qui montent sont fatigués…là où le fort est faible, là où le noble est trop indulgent c’est là qu’il construit son nid répugnant : le parasite habite où le grand a de petits recoins malades. Le parasite est la plus basse espèce mais celui qui est la plus haute espèce nourrit le plus de parasites. »

  47. « J’aime les braves : mais il ne suffit pas d’être bon sabreur -- il faut aussi savoir qui l’on frappe ! et souvent il y a plus de bravoure à s’abstenir et à passer : afin de se réserver pour un ennemi plus digne ! »

  48. « Vous ne devez avoir que des ennemis dignes de haine, mais point d’ennemis dignes de mépris : il faut que vous soyez fiers de votre ennemi »

  49. « Si ceux-ci avaient le pain gratuit, malheur à eux ! après quoi crieraient-ils ? De quoi s’entretiendraient-ils si ce n’était de leur entretien ? Et il faut qu’ils aient la vie dure ! »

  50. « La société humaine est une tentative, voilà ce que j’enseigne -- une longue recherche ; mais elle cherche celui qui commande ! »

  51. « Qui les bons haïssent-ils le plus ? C’est le créateur qu’ils haïssent le plus : celui qui brise des tables et de vieilles valeurs, le briseur -- c’est lui qu’ils appellent criminel. […] Car les bons ne peuvent pas créer : ils sont toujours le commencement de la fin […] Ils crucifient celui qui écrit des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles, ils sacrifient l’avenir pour eux-mêmes, ils crucifient tout l’avenir des hommes. […] Les bons furent toujours le commencement de la fin ».

  52. « C’est là que tu as appris interrompit Zarathoustra combien il est plus difficile de bien donner que de bien prendre, que c’est un art de bien donner, que c’est la maitrise derrière d’ingénieuse bonté »

  53. « Il n’y a rien de plus réjouissant sur la terre, Ô Zarathoustra, qu’une volonté haute et forte. Une volonté haute et forte est la plus belle plante de la terre. Un paysage tout entier est réconforté par un pareil arbre »

  54. « Cette couronne de rieur, cette couronne de roses à vous, mes frères, je jette cette couronne ! j’ai canonisé le rire ; hommes supérieurs, apprenez donc à rire ! »

La généalogie de la morale

  1. « Se représenter pleinement à quel point la cruauté était la grande réjouissance de l’humanité ancienne, à quel point même elle était l’ingrédient de presque toutes ses joies. »

  2. « Voir souffrir fait du bien, faire souffrir plus de bien encore -- c’est une dure vérité, mais une vieille, puissante, capitale vérité humaine. »

  3. « Parler de justice et d’injustice en soi n’a pas de sens, en soi l’infraction, la violation, l’exploitation, la destruction ne peuvent pas être injustes puisque la vie procède essentiellement c'est-à-dire dans ses fonctions élémentaires, par infraction, violation, exploitation, destruction, et qu’elle ne peut être pensée sans cela. »

  4. « Du point de vue biologique le plus élevé, le droit ne peut être qu’un état d’exception, une restriction partielle de la volonté de vie proprement dite, laquelle vise la puissance et il ne peut que se subordonner au but général de cette volonté de vie, comme l’un des moyens particuliers, à savoir comme moyen de créer des unité de puissance plus grandes »

  5. « Toute volonté devrait considérer toute autre volonté comme égale, cet ordre serait un principe hostile à la vie, un agent de destruction et de dissolution de l’homme, un attentat à l’avenir de l’homme, un symptôme de fatigue, un chemin détourné vers le néant. »

  6. « Je veux dire que le fait de devenir partiellement inutile, de dépérir et dégénérer, de perdre sens et utilité, bref de mourir, cela aussi appartient aux conditions d’un progrès véritable : lequel prend toujours forme de volonté et de voie vers plus de puissance et s’accomplit toujours aux dépens d’un grand nombre de puissances mineures. L’importance d’un progrès se mesure même à la quantité de chose qu’il aura fallu lui sacrifier ; l’humanité dans sa quantité sacrifiée au profit d’une seule espèce d’homme plus fort -- voilà qui serait un progrès. »

  7. « Qui pense en paroles pense en orateur et non pas en penseur (cela trahit qu’au fond il ne pense pas les choses, mais seulement par rapport aux choses, et qu’a vrai dire il ne fait que se penser lui-même et penser ses auditeurs) »

  8. « Être malade est instructif, nous n’en doutons pas, plus instructif encore qu’être en bonne santé –- rendre malade nous parait aujourd’hui plus nécessaire même que guérir ou sauver. Nous nous faisons aujourd’hui violence à nous même, comme si vivre n’était autre chose que casser des noix ; ainsi devons-nous nécessairement devenir toujours davantage des problèmes nous-mêmes en même temps que nous devenons plus digne d’en poser, peut être aussi plus digne de vivre. »

  9. « Selon l’ascète, la vie est un chemin pris par erreur et que l’on doit finalement refaire en sens inverse, jusqu’à son commencement ; ou bien une erreur que l’on réfute –- que l’on doit réfuter par ses actes […]. Car une vie ascétique est une contradiction de soi : il y règne un ressentiment sans égal celui d’un instinct insatisfait, d’une volonté de puissance qui voudrait dominer non pas quelque chose dans la vie, mais la vie elle-même, ses conditions majeures les plus profondes, les plus fondamentales »

  10. « Le prêtre change la direction du ressentiment ; celui qui souffre cherche un coupable. Le prêtre lui dit que le coupable c’est lui-même ».

  11. « La science est une couverture pour le mécontentement, le manque de foi, le remords, la mauvaise conscience, elle est l’inquiétude due au manque d’idéal, la souffrance causée par l’absence du grand amour, l’insatisfaction d’une tempérance imposée […]. La science comme narcotique ; les savants : des hommes souffrants qui ne veulent pas s’avouer à eux-mêmes ce qu’ils sont, des hommes engourdis, égarés, qui ne craignent qu’une chose : devenir conscient. »

  12. « Ce renoncement à toute interprétation (à tout ce qui consiste à faire violence, arranger, abréger, omettre, remplir, amplifier, fausser et de façon générale de tout ce qui est le propre de toute interprétation) »

  13. « La volonté de vérité elle-même a besoin d’une justification. »

  14. « Science et idéal ascétique repose sur un même terrain : sur la même surestimation de la vérité. »

  15. « Toutes les grandes choses périssent par elles-mêmes par un acte d’autodestruction : ainsi le veut la loi de la vie, la loi de la nécessaire « victoire sur soi » appartenant à l’essence de la vie »

  16. « Quel sens aurait toute notre vie, si ce n’est celui-ci, que la volonté de vérité a pris en nous conscience d’elle-même en tant que problème. »

  17. « C’est ce que signifie l’idéal ascétique : il voulait dire que quelque chose manquait, qu’une immense lacune enveloppait l’homme, incapable de se justifier, de s’expliquer, de s’affirmer, il souffrait du problème de son sens. Il souffrait aussi d’autres choses, il était pour l’essentiel un animal maladif : mais son problème n’était pas la souffrance en elle-même , c’était l’absence de réponse au cri dont il interrogeait : « pourquoi souffrir ? » l’homme, l’animal le plus courageux et le plus habitué à souffrir, ne refuse pas la souffrance en elle-même : il la veut, il la cherche même pourvu qu’on lui montre le sens, le pourquoi de la souffrance […] une volonté de néant, une aversion de la vie, une révolte contre les conditions fondamentales de la vie, mais cela est et demeure une volonté. Et pour répéter à la fin ce que j’ai dit au début : l’homme aime mieux vouloir le néant que ne pas vouloir. »

Le crépuscule des idoles

  1. « Fabuler d’un autre monde que le nôtre n’a aucun sens, à moins de supposer qu’un instinct de dénigrement, de dépréciation et de suspicion à l’encontre de la vie ne l’emporte en nous. Dans ce cas, nous nous vengeons de la vie en lui opposant la fantasmagorie d’une vie « autre » et « meilleure ».

  2. « On n’est fécond qu’à ce prix : être riche de contradiction. On ne reste jeune qu’à condition que l’âme ne se mette pas au repos, ne désire pas la paix […] Il n’est rien que nous n’envions moins que la sérénité morale des bovidés et le bonheur replet de la bonne conscience […] C’est renoncer à la grandeur de la vie que renoncer à la guerre. »

  3. « N’importe quelle explication vaut mieux que pas d’explication du tout[…] La première idée par laquelle l’inconnu se révèle connu fait tant de bien qu’on la tienne pour vraie. La preuve de plaisir (d’efficacité) comme critère de la vérité[…] Ainsi l’instinct de causalité est provoqué et excité par le sentiment de crainte. Aussi souvent que possible, le « pourquoi ? » ne soit pas tant donner la cause pour elle-même qu’une certaine sorte de cause : une cause rassurante, qui délivre et soulage. »

  4. « A 30 ans, on est encore, au regard de la culture supérieure, un débutant, un enfant. »

  5. « Anti-Darwin. Pour ce qui est de la fameuse « lutte pour la vie », elle me semble jusqu’à présent plus souvent proclamée que prouvée. Elle peut avoir lieu mais c’est l’exception : le caractère le plus général de la vie, ce n’est nullement la pénurie, la famine, c’est plutôt la richesse, l’opulence et même l’absurde gaspillage. »

  6. « Il faut avoir besoin de l’esprit pour avoir de l’esprit -- on le perd quand on n’en a plus besoin. Qui a la force se passe fort bien de l’esprit. »

  7. « Continuer à végéter dans une lâche dépendance des médecins et de leur pratiques, une fois que le sens de la vie, le droit de la vie est perdu, cela devrait susciter, de la part de la société, le mépris le plus profond… Créer une nouvelle responsabilité, celle du médecin, pour tous les cas où l’intérêt supérieur de la vie, de la vie montante, exige que l’on réprime et refoule impitoyablement la vie en train de dégénérer. Mourir fièrement, quand il n’est plus possible de vivre avec fierté… Par simple amour de la vie, on devrait vouloir une mort différente, libre consciente, qui ne soit ni un hasard, ni une agression par surprise… Quand on se supprime, on fait la chose la plus estimable qui soit. Rien que pour cela, on mériterait presque de vivre… »

  8. « La valeur d’une cause se mesure parfois non à ce qu’on atteint par elle, mais à ce qu’il faut la payer, à ce qu’elle nous coute. »

  9. « L’homme libre est un guerrier. A quoi mesure t’on la liberté chez les individus comme chez les peuples ? A la résistance qu’il faut surmonter, à la peine qu’il en coute pour garder le dessus. Le type supérieur d’homme libre, il faudrait le chercher là où il s’agit constamment de vaincre la résistance la plus forte. A quelques pas de la tyrannie, tout prêt de seuil qui marque l’asservissement. »

  10. « Il faut avoir besoin d’être fort, sinon on ne le devient jamais. »

  11. « Le génie -- en œuvre en action -- est nécessairement gaspilleur. Qu’il se dépense sans compter, c’est bien là sa grandeur… L’instinct de conservation est pour ainsi dire suspendu : l’irrésistible pression des forces débordantes lui interdit cette prudente tutelle, ainsi que toute précaution… Il s’épanche, il déborde, il s’épuise, il ne s’épargne pas mais c’est l’effet d’une fatalité, d’un destin plus fort, que sa volonté, tout comme est involontaire la crue d’un fleuve qui déborde des digues. »

  12. « Presque tout génie connait, parmi les étapes de son développement, un sentiment de haine, de rancœur, de révolte contre tout ce qui est déjà, tout ce qui a cessé de devenir. »

Ecce homo

  1. « Il ne faut jamais s’être ménagé soi-même ; il faut que la dureté fasse partie de vos habitudes, pour être joyeux et de bonnes humeur au milieu des dures vérités ; Quand je veux imaginer le type parfait d’un de mes lecteurs, j’en fais toujours un monstre de courage et de curiosité qui possède en outre quelques chose de souple, de rusé, de circonspect, ce qui constitue l’aventurier-né. »

  2. « Car jamais vous ne voudrez, d’une main poltronne suivre un fil conducteur ; et où vous pouvez deviner vous n’aimez pas à ouvrir les portes. »

  3. « Il y a quelque chose que j’appelle la rancune de la grandeur ; tout ce qui est grand, une œuvre, une action, se tourne immédiatement après l’achèvement contre son auteur. Par le fait même qu’il la accomplit, il devient faible, il n’est plus capable de supporter son action, il ne la regarde plus en plein visage. Après avoir quelque chose derrière soi que l’on n’a jamais pu vouloir, quelque chose où s’attache le nœud dans la destinée de l’humanité… et être dès lors forcé à en supporter le poids ! on s’en sent presque écrasé… la rancune de la grandeur. »

  4. « La morale c’est l’idiosyncrasie du décadent avec l’intention cachée de tirer vengeance de la vie -- et cette intention a été couronnée de succès. J’attache de la valeur à cette définition. »

Nietzsche (Stefan Zweig)

  1. « Son attitude devant la vérité est tout à fait démoniaque ; c’est une passion tremblante à l’haleine brulante, avide et nerveuse, qui ne se satisfait et ne s’épuise jamais, qui ne s’arrête à aucun résultat et poursuit au-delà de toutes les réponses son questionnement impatient et rétif. Jamais il n’attire à lui une connaissance de manière durable, pour en faire, après avoir prêté serment et lui avoir juré fidélité, sa femme, son système, sa doctrine. »

  2. « Ce qui l’excite jusqu’à la souffrance, jusqu’au désespoir ce n’est pas la conquête, ce n’est pas la possession ni la jouissance mais toujours uniquement l’interrogation, la recherche, la chasse. Son amour est incertitude et non pas certitude »

  3. « Il veut non pas une proie mais simplement l’esprit, le chatouillement et les jouissances de la chasse et des intrigues de la connaissance jusqu’à ses plus hautes et plus lointaines étoiles »

  4. « La vérité n’existe, dans tous les problèmes, que pour un moment et il n’y en a pas où elle existe pour toujours »

  5. « Il ne conquiert rien pour lui ni pour personne après lui, ni pour un Dieu, ni pour un roi, ni pour une foi mais uniquement pour la joie de la conquête car il ne veut rien posséder rien acquérir rien conquérir »

  6. « Une extrême loyauté à l’égard de tout » est pour lui non pas un dogme moral mais une condition tout à fait primaire, élémentaire et indispensable de l’existence « je péris quand je suis dans un milieu impur ». L’absence de clarté, la malpropreté morale le dépriment et l’irritent. »

  7. « Il n’y a pas de vérités de grand style qui s’obtiennent par flatterie, il n y’ a pas de secrets obtenus par un bavardage familier et séduisant : ce n’est que par violence, par force et par inflexibilité que la nature se laisse arracher ce qu’elle a de plus précieux ; ce n’est que grâce à la brutalité que peuvent s’affirmer dans une morale « de grand style », l’atrocité et la majesté des exigences infinies. Tout ce qui est caché nécessite qu’on ait des mains dures, une intransigeance implacable : sans sincérité il n’y a pas de connaissance ; là où je veux savoir, je veux aussi être sincère, c'est-à-dire dur, sévère, étroit, cruel et inexorable. »

  8. « Nietzsche ne pense pas pour améliorer ou instruire l’univers, ni pour l’apaiser ou pour s’apaiser lui-même : son extatique ivresse de pensée est une fin en soi, une jouissance qui se suffit à elle-même, une volupté tout à fait personnelle et individuelle, complètement égoïste et élémentaire, comme toute passion démoniaque »

  9. « Nietzsche ne veut jamais et en aucun cas être heureux mais bien être vrai… Toute la lutte pour l’inaccessible acquiert un caractère d’héroïsme et tout héroïsme aboutit nécessairement à son tour à ce qui en est la conséquence la plus sacrée, c'est-à-dire la chute. »

  10. « Nietzsche connait le danger auquel il s’expose ; il sait depuis le premier moment, depuis le premier de ses écrits, que sa pensée tourne autour du centre périlleux et tragique qu’il vit une vie dangereuse mais il n’aime la vie qu’à cause de ce danger qui précisément anéantit sa propre vie. »

  11. « Le degré de danger dans lequel un homme vit avec lui-même » est pour lui la seule mesure valable de toute grandeur. Seul celui qui joue sublimement le tout pour le tout peut gagner l’infini ; seul celui qui risque sa propre vie peut donner à son étroite forme terrestre la valeur de l’infini. »

  12. « Nietzsche pour atteindre une vue plus libre et plus haute doit toujours passer par la douleur et le déchirement. Etant une nature essentiellement démoniaque, il ne connait que la plus brutale des transformations, celle qui s’opère par la combustion : comme le phœnix doit passer avec tout son corps dans le feu destructeur pour renaitre en chantant de sa propre cendre avec de nouvelles couleurs et un nouvelle essor »

  13. « Peut-être jamais une chose n’a-t-elle été produite par un tel débordement de force… mais jamais il n’ose dire que c’était sa propre force qui agissait en lui et qui le détruisait. Au contraire, il se sent comme enivré, il sent pieusement qu’il est seulement le portevoix d’impératifs venus de l’au-delà et qu’il est saintement possédé par un élément démoniaque supérieur »

  14. « La grandiose indépendance de Nietzsche ne nous apporte pas en don une doctrine mais une atmosphère, l’atmosphère infiniment claire d’une limpidité supérieure et pénétrée de passion, d’une nature démoniaque qui se décharge en orages et en destructions. »

  15. «… On respire un air unique, transparent et vif, un air pour les cœurs robustes et les libres esprits. »

  16. « Car seules les natures tragiques sont capables de nous faire percevoir la profondeur du sentiment et seule la démesure permet à l’humanité de reconnaitre sa mesure. »

Nietzsche et la biologie

  1. « Les plus forts, avant d’être menacés par la masse (sélection naturelle darwinienne), avant de l’être par les prêtres (sélection artificielle chrétienne) le sont déjà par eux-mêmes, par le gaspillage qu’ils représentent, par la mauvaise économie des pertes et des profits qu’ils incarnent toujours. A peine blessé, l’homme moyen, soucieux, de toujours compenser pertes et profits se répare tout de suite par l’assimilation. L’exception, elle, parce qu’elle prend le risque de s’exposer aux blessures de nouveau plus longtemps que les autres et des laisser ses blessures s’infecter, endure d’étonnantes sommes de douleur. Parce qu’elle prend toujours le risque de souffrir en vain, au risque de tout perdre, personne n’est plus exposé aux mauvaises heures que l’exception. »

  2. « Intériorisant toute la puissance et la retournant contre lui, il a développé « la maladie la plus grave et la plus inquiétante » : exposé directement à sa propre puissance interne, il s’est mis à souffrir de lui-même, sans filtre ni protection. »

Le savant et le politique

  1. « Dans les sciences, je le répète, non seulement notre destin mais encore notre but à nous tous est de nous voir un jour dépassés. Nous ne pouvons accomplir un travail sans espérer en même temps que d’autres iront plus loin que nous »

  2. « Il est en effet par trop commode de montrer son courage de partisan en un endroit où les assistants et peut être les opposants sont condamnées au silence. »

  3. « Il faut concevoir l’état contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé, revendique le monopole de la violence légitime. »

  4. « Celui qui veut le salut de son âme ou sauver celle des autres doit donc éviter les chemins de la politique qui par vocation cherche à accomplir d’autres taches très différentes dont on ne peut venir à bout que par la violence. »

  5. « On n’aurait pu atteindre le possible si dans le monde on ne s’était pas toujours et sans cesse attaqué à l’impossible. »

Surveiller et punir

  1. « Double effet par conséquent de cette pénalité hiérarchisante : distribuer les élèves selon leur aptitudes et leur conduite, donc selon l’usage qu’on pourra en faire quand ils sortiront de l’école ; exercer sur eux une pression constante pour qu’ils se soumettent tous au même modèle, pour qu’ils soient contraints tous ensemble à la subordination, à la docilité, à l’attention dans les études et exercices et à l’exacte pratique des devoirs et de toutes les parties de la discipline. Pour que tous il se ressemblent. »

  2. « Le pouvoir disciplinaire s’exerce en se rendant invisible ; en revanche il impose à ceux qu’il soumet un principe de visibilité obligatoire. Dans la discipline, ce sont les sujets qui ont à être vus. Leur éclairage assure l’emprise du pouvoir qui s’exerce sur eux. C’est le fait d’être vu sans cesse, de pouvoir toujours être vu, qui maintient dans son assujettissement l’individu disciplinaire. Et l’examen c’est la technique par laquelle le pouvoir au lieu d’émettre les signe de sa puissance, au lieu d’imposer sa marque à ses sujets, capte ceux-ci dans un mécanisme d’objectivation […] L’examen vaut comme la cérémonie de cette objectivation. »

  3. « Ce n’est pas le triomphe c’est la revue c’est la parade forme fastueuse de l’examen. Les sujets y sont offerts comme objets à l’observation d’un pouvoir qui ne se manifeste que par son seul regard. »

  4. « L’examen combine les techniques de la hiérarchie qui surveille et celles de la sanction qui normalise. Il est un regard normalisateur, une surveillance qui permet de qualifier, de classer et de punir. Il établit sur les individus une visibilité à travers laquelle on les différencie et on les sanctionne. C’est pourquoi, dans tous les dispositifs de la discipline, l’examen est hautement ritualisé. »

  5. « On fait l’histoire des expériences sur les aveugles nées, les enfants loups ou sur l’hypnose. Mais qui fera l’histoire plus générale, plus floue, plus déterminante aussi, de l’examen -- de ses rituels, de ses méthodes, de ses personnages et de leurs rôles, de ses jeux de questions et de réponses, de ses systèmes de notation et de classement ? Car dans cette mince technique se trouve engagé tout un domaine de savoir, tout un type de pouvoir. »

  6. « L’examen garantit le passage des connaissances du maître à l’élève mais il prélève sur l’élève un savoir destiné et réservé au maître. »

  7. « L’examen entouré de toutes ses techniques documentaires fait de chaque individu un cas. Le cas c’est […] l’individu tel qu’on peut le décrire, le jauger, le mesurer, le comparer à d’autres et cela dans son individualité même ; et c’est aussi l’individu qu’on a à dresser ou redresser, qu’on a à classer, à normaliser, à exclure. »

  8. « Pendant longtemps l’individualité quelconque -- celle d’en bas et de tout le monde -- est demeurée en dessous du seuil de description. Être regardé, observé, raconté dans le détail, suivi au jour le jour par une écriture ininterrompue était un privilège. La chronique d’un homme, le récit de sa vie, son historiographie rédigée au fil de son existence faisaient partie des rituels de sa puissance. Or les procédés disciplinaires retournent ce rapport, abaissent le seuil de l’individualité descriptible et font de cette description un moyen de contrôle et une méthode de domination. Non plus monument pour une mémoire future, mais document pour une utilisation éventuelle. Et cette descriptibilité nouvelle est d’autant plus marqué que l’encadrement disciplinaire est strict : l’enfant, le malade, le fou, le condamné deviendront, de plus en plus facilement à partir du 18ème siècle et selon un pente qui est celle des mécanismes de disciplines, l’objet de descriptions individuelles et de récits bibliographiques. »

  9. « Dans un système de discipline, l’enfant est plus individualisé que l’adulte, le malade l’est avant l’homme sain, le fou et le délinquant plutôt que le normal et le non délinquant. C’est vers les premiers en tout cas que sont tournés dans notre civilisation tous les mécanismes individualisants ; et lorsque l’on veut individualiser l’adulte sain, normal et légaliste, c’est toujours désormais en lui demandant ce qu’il a encore de lui d’un enfant, de quelle foie secrète il est habité, quel crime fondamental il a voulu commettre. »

  10. « L’homme adulte « normal » est sérieux. Il suit la norme. Son individualisation n’a donc aucun intérêt. En quelque sorte, il est déjà mort. Tout homme doit aller chercher ou conserver la part d’enfant qui est lui s’il veut rester l’objet d’individualisation. C'est-à-dire être autre chose qu’un robot formaté, prévisible, un système vivant contrôlable, indiscernable de ce qu’on appelle la mort. Le monde des adultes sérieux est un monde mort, prédictible. »

  11. « Les disciplines caractérisent, qualifient, spécialisent ; elles distribuent le long d’une échelle, repartissent autour d’une norme, hiérarchisent les individus les uns par rapport aux autres, et à la limitent disqualifient et invalident. »

  12. « Le pouvoir qu’elle [la technologie du panoptisme c'est-à-dire de surveillance généralisée] met en œuvre et qu’elle permet de majorer est un pouvoir direct et physique que les hommes exercent les uns sur les autres. Pour un point d’arrivée sans gloire, une origine difficile à avouer. Mais il serait injuste de confronter les procédés disciplinaires avec des inventions comme la machine à vapeur ou le microscope d’Amici . Ils sont beaucoup moins ; et pourtant d’une certaine façon ils sont beaucoup plus. »

La science en action

  1. « La réalité est ce qui résiste. A quoi résiste-t-elle ? A des épreuves de force. »

  2. « A gauche les chercheurs sont réalistes, ils pensent que les représentations sont extraites de ce qui se trouve réellement à l’extérieur par le seul juge indépendant qui existe : la nature. A droite, les mêmes chercheurs sont relativistes, ils pensent que les représentations sont décidées par eux même et par les actants qu’ils représentent, sans juges indépendants ou impartiaux qui feraient peser en faveur de l’une ou de l’autre d’entre elles. Nous savons pourquoi ils s’expriment par deux langages en même temps : la bouche de gauche parle de ce qui est déjà établi dans la science, alors que celle de droite parle de ce qui n’est pas encore réglé. A gauche le polonium a été découvert il y a longtemps par les Curie ; à droite, une longue liste d’actions a été accomplie par un agent inconnu dans le laboratoire de l’école de chimie à Paris, que les Curies proposent de nommer « polonium ». A gauche, tous les chercheurs sont d’accord, et nous entendons seulement la voix de la nature, pleine et claire ; à droite les chercheurs ne sont pas d’accord, et aucune voix ne recouvre la leur. »

  3. « Etant donné que le règlement d’une controverse est la cause de la représentation de la nature et non sa conséquence, on ne doit jamais avoir recours à l’issue finale -- la nature -- pour expliquer comment et pourquoi une controverse a été réglée. »

  4. « Un énoncé dans le champ scientifique est autant en danger qu’une balle de rugby. Si aucun joueur ne la reprend, elle reste simplement sur le gazon. Pour qu’elle puisse bouger à nouveau, il faut qu’il y ait une action : que quelqu’un la saisisse et la lance ; mais la lancer dépend à son tour de l’agressivité, de la rapidité, de la ruse ou de la tactique des autres. En tout point, la trajectoire de la balle peut être interrompu ou déviée par l’autre équipe -- qui joue ici le rôle de sceptiques -- ainsi que par ses propres coéquipiers. Certes le mouvement total d’une balle, d’un énoncé, d’un artefact dépendra dans une certaine mesure de votre action mais davantage encore de celle d’une foule de gens sur lesquels vous n’avez aucune prise. La fabrication des faits, comme le jeu de rugby, est un processus collectif. »

  5. « La métaphore du jeu de rugby ne peut plus être maintenue car la balle reste identique à elle-même alors que dans la partie de science à laquelle nous assistons, l’objet est soumis à des modifications multiples quand il passe de main en main. Il n’est pas simplement transmis d’un acteur à son voisin par un processus collectif, il est composé collectivement par eux. »

  6. « On ne voit quand on se trouve à l’intérieur d’un laboratoire ni relations publiques, ni politiques, ni problèmes éthiques, ni lutte des classes, ni juristes ; on voit une science isolée de la société. Mais cet isolement n’existe que dans la mesure où d’autres chercheurs consacrent (ou ont consacré) toute leur temps à recruter des investisseurs ou à intéresser et convaincre les gens. Les chercheurs purs ressemblent à des oisillons sans défense qui attendent que les adultes aient fini de construire le nid et leur apportent la becquée. »

  7. « La science, à cause du travail de recrutement, a bien un intérieur diffèrent de son extérieur, exactement comme un réacteur nucléaire possède une enceinte de confinement à l’intérieur de laquelle il ne fait pas bon se promener en bras de chemise. Mais de là à dire que l’intérieur de l’enceinte n’est pas dû à la construction, à la surveillance, à la résistance, à l’entretien, à la multiplicité des réglages, des concours, des règlements venant de l’extérieur, il y a un pas que franchissent allègrement les épistémologues mais que nous ne hasardons pas. »

  8. « Aujourd’hui plus aucune armée n’est capable de vaincre sans la contribution des scientifiques et rares sont les chercheurs et ingénieurs capables de gagner la bataille de leur argumentation sans l’aide des militaires. »

  9. « C’est seulement maintenant que le lecteur peut comprendre pourquoi j’ai utilisé tant d’expression qui ont des connotations martiales : épreuve de force, controverses, lutte, gagner et perdre, stratégie et tactique, équilibre des pouvoirs, forces, nombres, alliés, expressions qui, bien que constamment utilisés par les chercheurs sont rarement employées par les épistémologues pour décrire le monde pacifique de la science pure… On s’aperçoit que la plus grande partie des technosciences se préoccupe de logistique et de force de frappe »

  10. « C’est ainsi que Socrate a dit un jour : « Je sais que vous n’allez pas me croire, mais la plus haute forme de l’excellence humaine est de se questionner soi-même et de questionner les autres »

  11. « La méthode Socratique : sa contribution la plus importante à la pensée occidentale est peut-être la méthode dialectique d’investigation, consistant à répondre à une question par une question »