Retour sur le texte « RCU » (2023)

Le texte Remise de Choix Ultime / RCU a été écrit en 2017, 6 mois après la mort de mon oncle Michel suite à un cancer ORL. En 2023, je décide de publier cet écrit sur internet sans le modifier. Bien-sûr, 6 ans sont passés par là et mon point de vue a quelque peu évolué mais pas énormément. Je vais donc discuter ici des points qui méritent un éclaircissement. Pour comprendre ce qui suit, il faut avoir lu préalablement le texte « RCU ».

Il convient d’abord de préciser ostensiblement que je n’ai pas d’expertise réelle sur le sujet. Je n’ai pas non plus d’expertise médicale or mon texte « RCU » n’est pas suffisamment clair sur ce point et pourrait laisser entendre le contraire. Je fais par exemple référence à un certain nombre de choses (des protocoles, des médicaments, la législation…) mais au fond, après relecture 6 ans plus tard, je vois qu’il est possible que je raconte des absurdités. Je n’ai assisté qu’à quelques agonies dans mon existence et c’est bien peu par rapport à un professionnel de santé (médecin, infirmier etc…) qui a pu « voir » un panel beaucoup plus large de cas possible et pourrait donc probablement produire une analyse beaucoup plus fine que je ne l’ai fait. Je tenais donc à insister sur le fait que mon texte « RCU » est un texte écrit par un particulier non professionnel qui ne peut se targuer d’une expertise qu’il n’a pas.

Le deuxième point qui me pose problème aujourd’hui est le caractère trop « politique » de mon texte : on y trouve des phrases comme « j’assume la position politique suivante » ou les termes « République Française » ou « hémicycle ». Or mes ordres de mission sont clairs : je ne suis pas autorisé à faire de la politique. Avec ce texte, la ligne rouge est clairement franchie. D’autant que je me rappelle mon état d’esprit au moment où je l’ai écrit : je l’avais envoyé à un copain par email mais à destination réelle des services secrets et donc cela représentait une tentative claire d’influence de ma part. Cela est étonnant car c’est à cette même époque que la peur d’être retourné (par la société sécrète qui me persécute) était la plus forte. Et j’avais été obligé de m’inventer un monde imaginaire le plus robuste possible pour empêcher tout risque d’être retourné « par le haut » c’est-à-dire d’accepter un rôle ou une fonction politique quelconque (voir attracteur Trojan). Comment expliquer ce paradoxe ? Je pense que j’étais encore sous le choc de l’agonie de mon oncle et il me fallait tenter quelque chose pour améliorer la situation des patients en fin de vie. Je me rappelle m’être dit intérieurement un truc du genre « envoie ce texte, on ne sait jamais : sur un malentendu 😊 tu disposes d’un pouvoir d’influence à ton insu et cela peut faire avancer le Schmilblic ». Donc il y avait bien une volonté plus ou moins consciente que mon opinion pèse sur cette question de la fin de vie. Or aujourd’hui, je ne m’autorise plus à aller aussi loin. Donc, dans mon esprit, ce texte est publié uniquement à destination de « personnes indépendantes » et donc prises toutes à égalité. Il ne s’agit plus d’espérer m’adresser à des personnes influentes ou au pouvoir. Puisque la ligne rouge a été franchie, je suis même contraint de faire un pas en arrière : dans l’hypothèse peu probable où ce texte tombe dans les mains d’une personne influente, vous ne devez pas utiliser votre influence ou votre pouvoir pour promouvoir les idées défendues dans ce texte. Cela me pèse de l’écrire mais ce sont mes ordres de mission qui me l’imposent et je compte bien m’y tenir.

J’ai noté également en 2023 que mon texte « RCU » de 2017 n’était pas signé. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’un oubli de ma part. Je pense que je voulais signifier que je me foutais complétement qu’on m’attribue ou non la paternité de ce texte. Ce qui est toujours valable aujourd’hui. Le but est de donner mon nord, « d’orienter », pas d’influencer (la limite est mince et floue, c’est vrai). Les questions de paternité sont sans importance au regard de l’enjeu.

Quel est mon point de vue actuel sur cette question de la fin de vie ? Faisant l’objet de persécution, il serait nettement préférable que je dispose de pentobarbital dans un coffre-fort personnel pour pouvoir mettre fin rapidement et facilement à mes jours si cela devait s’avérer nécessaire. Cela, c’est ce qui serait bon pour moi. Ma foi, aux Etats-Unis, nombreux sont ceux qui disposent d’armes de poing dans leurs coffres-forts or le but premier d’une arme de poing est de tuer des autres, pas de se tuer soi-même : leur posture est infiniment plus radicale que la mienne. Pourtant, je ne suis pas prêt à accepter l’idée que toutes les personnes majeures puissent disposer librement de pentobarbital pour se suicider facilement. La peur qu’un gosse de 18 ans « ivre et à l’alcool triste » ou « en proie à un chagrin d’amour » se suicide bêtement, est trop forte. Ce n’est pas quelque chose que je peux accepter. On voit donc ici l’introduction possible d’un « deux poids deux mesures » : ce qui serait préférable pour moi ne me semble pas préférable pour un autre. Or mes racines / premiers amours « anarchistes » ne me permettent pas de m’accorder une liberté que je n’accorde pas immédiatement à mon frère. Me voilà donc bloqué.

Et c’est en général ici que s’immiscent services secrets et sociétés secrètes. Une fois les choses secrètes, improuvables, placées dans l’obscurité, on peut rendre possible pour l’un ce qui n’est pas possible pour l’autre. Je dirais même que c’est peut-être une des bases, une des raisons d’être des sociétés secrètes : se donner la possibilité d’une flexibilité, d’une adaptabilité, d’une latitude infiniment supérieure à ce que permet la loi, perçue comme beaucoup trop rigide. L’objectif étant de pouvoir s’adapter facilement à toutes les situations possibles et à chaque cas individuel et particulier. Ce gain de souplesse et de flexibilité se fait sans doute au prix de la vérité et de l’égalité. Là est la solution pour certains, le problème pour d’autres.

Passons maintenant à la pratique pour que mon propos soit plus clair. Il ne me semble pas impossible que la gestion des fins de vie soit, actuellement en France, essentiellement placée dans l’obscurité et donc gérée par les services secrets. Si tel était le cas, cela pourrait potentiellement permettre une « médecine hautement personnalisée » en fonction des patients : de leurs besoins, de leurs demandes ou de leurs désirs. Officiellement, cela signifierait qu’euthanasie et suicide assisté sont interdits. Officieusement que chaque cas est étudié en fonction des circonstances. Et si un patient « frère en société secrète » demande discrètement à ce qu’on mette un terme à ses souffrances, il est possible qu’un « autre frère en société secrète » qu’il soit médecin, infirmier, proche (ou n’importe quel individu lambda à qui on a expliqué quoi faire) se charge d’accomplir les dernières volontés du patient. Soyons clair, je ne prétends pas que les choses se passent ainsi. Je le suspecte. Je n’ai aucune idée de la réalité et s’il me fallait établir les cotes, je dirais que c’est du 50/50.

Un argument « contre » l’idée que les choses se passent ainsi c’est ce que j’ai vu : des agonies longues et difficiles où les soignants semblent s’en tenir strictement au cadre législatif.

Un argument « pour » l’idée que les choses se passent ainsi c’est mon texte « RCU ». Ce dernier est médiocre et imparfait par bien des aspects mais il est, de mon point de vue, infiniment supérieur au cadre législatif actuel. Or je ne comprends pas d’où vient le blocage : qui bloque et pourquoi. Car je ne crois pas que les autres hommes soient plus cons que moi. Ils ont des yeux et donc ils sont capables de voir la réalité des agonies et fins de vie « non satisfaisantes » dont je parle. Et donc s’ils refusent mon « RCU » c’est qu’ils pensent disposer de quelque chose de mieux. Quelque chose dans l’obscurité. Admettons que ces pratiques dans l’obscurité existent : est-il possible qu’elles représentent une alternative meilleure à mon texte « RCU » ? J’en doute fortement mais je ne peux pas l’exclure.

Un point qui me pose particulièrement problème et qui est à l’origine de mon écrit est le concept de « sédation ». Je n’ai pas été suffisamment convaincu par ce que j’ai vu alors même que mes proches mourants étaient bien inconscients, incapables de répondre à des questions ou de répondre par un mouvement. Bref tout semblait indiquer qu’ils étaient effectivement sédatés /endormis et donc qu’ils ne souffraient pas mais quelque chose me dérangeait sans que je sache exactement dire quoi. Disons que certains points n’étaient pas clairs :

Bref, ce qui m’a manqué c’est un médecin, publication à l’appui, qui me dise un truc du genre : « Conformément à ce qu’il nous a demandé, votre proche est dans un état de sommeil profond que nous avons induit artificiellement comme lors d’une anesthésie générale. Il ne peut ni souffrir ni expérimenter angoisse ou cauchemars ce qui est mis en évidence par plusieurs études cliniques ayant récolté, entre autres, des données d’électroencéphalographie sur un panel de plus de 100 patients volontaires à qui on a administré le même cocktail médicamenteux qu’à votre proche. »

Il est tout à fait plausible que tel fût effectivement le cas pour mon proche et que c’est juste l’émotion et la souffrance de voir mon proche quitter ce monde qui m’ont fait douter et ont biaisé mon jugement. Mais chacun peut comprendre que pour ce genre de problématique, on ne veut pas de l’à-peu-près ou du flou. On veut des certitudes : la certitude que notre proche dort profondément et ne souffre pas. C’est pourquoi s’il y a des nuances derrières les termes sédatés / inconscient / endormi / anesthésié / placé en coma artificiel, ces dernières doivent être explicitées clairement. Si ce n’est pas déjà fait, le cadre législatif devrait définir précisément ce que le médecin peut garantir à son patient en termes de profondeur de sommeil à l’approche de la mort.

Si je rentre dans tous ces détails c’est parce que j’identifie un problème à mon texte « RCU » : son manque d’adaptabilité, de flexibilité. Il existe de nombreux cas de figure spécifiques que mon texte n’intègre pas. Par exemple, si un patient n’a plus de bras, il ne pourra pas prendre le verre de pentobarbital et le boire tout seul. De même s’il est trop fatigué ou que son état est déjà trop grave, il ne pourra pas se rendre à la pharmacie de l’hôpital. Je pense qu’une loi peut facilement intégrée toutes ces exceptions. Je n’ai donné que les grandes lignes, l’esprit de la loi. Il est évident qu’il faut inclure toutes les exceptions légitimes pour garantir l’égalité de traitement de tous.

Il y a un point néanmoins que je modifierais si je devais réécrire le texte « RCU ». Le fait de boire un cocktail mortel puis de mourir une minute plus tard reste un acte brutal, dure, difficile, douloureux psychiquement. Pour celui qui l’accomplit et pour ses proches. C’est pourquoi j’inclurais d’autres modalités possibles de fin de vie de manière à ce que le patient ait le choix entre un panel de possibilités qu’il puisse discuter ouvertement avec son médecin, si tel est son souhait. Je liste ici sommairement ce que j’ai en tête. Bien sûr, je ne connais pas leur niveau de faisabilité technique et clinique mais j’estime qu’il y a de bonne chance qu’elles soient toute réalisables :

  1. Pas de sédation forte. Le patient veut rester conscient et vivre sa mort. Il décrit lui-même les niveaux de morphine, d’anxiolytique qu’il désire pour ne pas souffrir physiquement et être apaisé psychiquement. S’il n’en ressent pas le besoin, on ne lui en administre pas. La rentrée en agonie (quand elle a lieu) est liée à la maladie.
  2. Une sédation est mise en place à la demande du patient pour l’apaiser au maximum mais ce dernier ne souhaite pas être endormi profondément. Peut-être que le patient peut sortir régulièrement de cet état sédaté de semi-conscience pour pouvoir interagir encore avec ses proches. Si cela est techniquement possible, il indique grossièrement combien de fois par jour il veut pouvoir être à nouveau conscient avant de rentrer dans l’agonie terminale.
  3. Le patient vit un cauchemar total et veut être placé définitivement dans un état de « coma artificiel » jusqu’à sa mort naturelle. Il est averti et accepte que ce coma artificiel ait pour potentielle conséquence de le faire mourir plus vite.
  4. Le patient est terrifié par l’idée de boire un cocktail mortel et donc d’affronter la mort une minute plus tard. Il voudrait une solution intermédiaire. Il déclencherait lui-même une perfusion qui le placerait d’abord en « coma artificiel » pendant quelques jours avant l’administration finale, par exemple au bout de 2 jours, d’un produit mortel. Aucune intervention de l’équipe soignante au bout des 2 jours : la perfusion contient déjà les deux produits dans deux poches distinctes et tout est techniquement programmé pour que ce soit le patient qui déclenche son endormissement puis sa mort (retardée de 2 jours) en une seule action sur un bouton. Il s’agit ici d’une sorte de procédure RCU avec retardement pour diminuer la charge anxiogène pour le patient et ses proches.
  5. Procédure RCU classique. Le patient a accès à un produit mortel qu’il peut boire. Il s’endort puis meurt quelques minutes plus tard.

Ces 5 points forment une sorte de gradient des possibles et permet à chacun de choisir ce qui lui convient le mieux. Puisque les deux derniers points contiennent une dose d’active (le patient se donne la mort activement), ce sont les deux seuls cas concernés par une procédure « RCU ». Les trois premiers points doivent pouvoir être mis en œuvre avec le cadre législatif actuel.

En me relisant, je me rends compte qu’un argument qui pourrait m’être opposé c’est le risque de pression consciente ou inconsciente des institutions sur les patients pour les diriger préférentiellement vers les procédures RCU afin de libérer plus rapidement des lits. Un axiome de base implicite dans ces deux textes (et que je rends donc ici explicite) est le fait que je m’adresse à des adultes responsables. Cela sous-entend que je considère que ces mêmes adultes considèrent évident le fait de veiller à ce que de telles pressions ne puissent jamais exister et ce, même dans la version dite « inconsciente » des dites pressions. De mon point de vue, l’implémentation d’une telle veille m’apparaît triviale et relevant du bon sens. On ne peut pas écrire un texte sur la fin de vie si on ne part pas du postulat que ceux qui seront directement confrontés à la réalité sont des hommes responsables. Par « responsable », je n’entends pas une quelconque responsabilité juridique ou hiérarchique, j’entends quelque chose de bien plus important : une responsabilité devant l’humanité. Elle ne concerne pas un chef de service ici ou là mais bien l’ensemble des protagonistes qui sont impliqués dans l’accompagnement du mourant. Selon moi, cela va de soi : j’ai donc hésité à écrire ce paragraphe et il était peut-être inutile voire condescendant. Dans le doute, j’ai préféré l’inclure.

Je précise enfin que je ne consulte plus du tout l’actualité depuis maintenant bientôt 6 ans (ni télévision, ni journaux, ni radio, ni rien). Par exemple, je ne sais pas qui est le premier ministre actuel. Je ne sais pas non plus si la législation concernant la fin de vie a évolué ces dernières années. Et je ne veux pas le savoir. Cela peut sembler paradoxal voire fou mais c’est préférable ainsi. Si les choses ont changé il y a déjà plus de 10 ans dans le sens que j’indique et indépendamment de moi, mon texte est parfaitement absurde voire ridicule et cela me va comme cela. Seul l’intérêt des patients compte. Si les choses ont changé en partie à cause de moi, je ne veux pas le savoir. Cela ne me concerne pas. Si rien n’a changé et si rien ne change, il en va de même : cela ne me concerne pas. En effet, je suis un stoïcien et je m’en tiens à cette règle simple : « ce qui dépend de moi ».

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