De la mort

Alors que j’avais 19 ans, mon grand-père s’est suicidé en se défenestrant. Je dormais alors dans mon lit quand un grand boom a éclaté dans ma tête, très violent : j’ai évidemment relié ce Boom très étrange à l’impact au sol de mon grand-père. C’est comme s’il avait voulu me transmettre un message. Difficile également de ne pas souffrir en se rappelant des derniers mots qu’il a eu à mon intention quelques jours avant son suicide : « Les allemands sont revenus, il faut que tu me trouves un couteau ». A l’époque, je pensais évidemment qu’il déraillait un peu. Avec le recul et sachant maintenant à quoi peut faire référence « les Allemands », je n’en suis plus très sûr.

Plus tard, j’ai eu un accident de mobylette très violent qui aurait dû me couter la vie : j’ai percuté de plein fouet à 50km/h une voiture à l’arrêt, faisant donc un salto par-dessus cette voiture et me retrouvant plusieurs mètres derrière elle (peut-être 5 ou 10 mètres !). Cet épisode est retranscrit plus en détail ici. D’une part, je m’en suis sorti indemne mais d’autre part, il manquait plusieurs secondes dans ma mémoire : la seconde exacte de l’impact et celles du vol plané. Je n’ai jamais trouvé aucune trace de ces secondes dans ma mémoire. Or je suis un habitué des chutes, vols planés diverses (je suis un ancien grimpeur et parapentiste) : Quand on tombe en chute libre, les secondes durent généralement des minutes ! Elles ne disparaissent pas comme cela et on a le temps de tout bien vivre, de tout bien ressentir et éventuellement d’en ressentir un terrible effroi : en parapente lors de très grosses fermetures de voile par exemple ou en escalade, quand on chute « en tête » d’une dizaine de mètres. A l’époque, j’étais déjà complétement formaté scientifiquement (deux ans de médecine) et totalement athée. Pourtant, j’ai toujours su garder en mémoire que quelque chose clochait dans cet accident. Ce n’était apparemment pas mon heure.

Lors de cet accident, ce sont les sapeur-pompiers qui sont venu me secourir. Cela devait laisser une trace dans mon esprit parce que je suis devenu sapeur-pompier volontaire 2 ans plus tard. La caserne où je travaillais était essentiellement composée de sapeur-pompiers professionnels qui ne voulaient pas travailler avec des sapeur-pompiers volontaires. J’ai tenu 4 ou 5 ans ce qui correspond à plusieurs centaines d’interventions. A la garde nous étions 20. 19 professionnels et 1 volontaire : moi. Il me fallait exercer mon rôle d’équipier au mieux, faire face à des situations extrêmes (pour le dire autrement : des gens qui meurent dans mes bras) dans un contexte d’hostilité et de mépris total de mes collègues. Pas si simple quand on a 22 ans. J’ai fini par démissionner et rédiger une alerte sur le comportement des professionnels à l’ensemble de la hiérarchie du SDIS38. Je ne l’ai jamais regretté même si on m’a fait payer mon geste. Pourquoi je vous raconte tout cela ? Vous allez le comprendre.

Quinze ans plus tard alors que je faisais l’objet de persécutions massives, j’avais régulièrement affaire à mes anciens collègues. En effet, dans l’association où je me rendais, de nombreux adhérents avaient une santé précaire et il m’a fallu faire appel aux pompiers à plusieurs reprises (malaise, personne ne répondant pas aux appels etc…). Je ne comprenais pas pourquoi mes persécuteurs n’en profitaient pas pour envoyer un VSAV (une ambulance) avec l’adjudant-chef avec lequel j’avais eu le plus de « différents ». C’était pourtant bien leur style et ils ne pouvaient pas ne pas saisir cette occasion de m’emmerder ou de me blesser. Pourquoi ne le faisaient-ils pas ? Parce qu’ils attendaient le bon moment… Un jour, je sors de chez moi pour me rendre dans mon association à pied. Je marche sur cinquante mètres et je vois une dame très âgée qui s’effondre devant moi sur le trottoir. Elle est au sol et cherche à se relever alors que je lui porte secours. J’essaie de l’empêcher de se relever car je comprends bien qu’il y a quelque chose de grave mais elle insiste et n’arrête pas de s’accrocher à une haie de laurier et à répéter en me regardant droit dans les yeux : « les lauriers, regardez les lauriers, les lauriers ! ». Et elle me les montre en les touchant. J’identifie immédiatement le message : les lauriers sont une métaphore pour illustrer Rome, César, les lauriers de César : bref le pouvoir ou quelque chose du genre. Une part de mon esprit se dit « j’ai simplement affaire à un agent qui simule » (T1) mais je vois bien aussi que ce n’est pas le cas : cette vieille dame est simplement en train de mourir entre mes mains. Je fais immédiatement appeler les pompiers. Et c’est cette fois-là qui est choisie pour inclure le fameux adjudant-chef. On se reconnaitra sans se serrer la main tout en restant chacun le plus professionnel possible. Je lui transmets au mieux mon bilan (je ne sais plus si j’avais eu le temps de mesurer un pouls ou une ventilation) et lui prend le relai avec son équipe pour relever la dame et la placer dans la cellule du VSAV. Mais je sais déjà que cette dame est en train de mourir. Et le VSAV ne démarre pas. Dans la cellule, l’adjudant-chef gueule la phrase classique « serrez-moi la main » à de nombreuses reprises et je sais que cette phrase équivoque est prononcée à la fois pour la vieille dame et à mon intention car je n’ai pas souhaité lui serrer la main. Toute la situation est à la fois complétement réelle et complétement factice à la fois. Le SMUR arrive. Les deux ambulances resteront longtemps garées sur le trottoir ce qui laisse suspecter qu’ils ne réussissent pas à réanimer la dame. Dans les mois qui ont suivi, j’ai pu constater les volets fermés de la maison, puis la vente de la maison etc… Cette dame est morte et ses derniers mots, à mon intention, étaient « Les lauriers, regardez les lauriers ». Tous dans ses yeux en me regardant me disait « mais vous ne voyez pas ? ». Bien que l’ensemble de mon comportement de secouriste expérimenté ait été irréprochable, j’avoue et j’ai un peu honte d’avoir, dans cette histoire, été complétement identifié à la théorie 1 : « tout est faux et monté de tout pièce ». Mon image, mon ego, ma colère d’être une marionnette dans cette situation affreuse : « moi », « moi », « moi ». Une dame meurt dans mes bras en me parlant de laurier, mécaniquement, je fais tout ce qu’il y a faire mais mon esprit hurle « moi », « moi », « moi ». Que hurlait le « moi » ? Il me disait : « tout dans cette situation est faux mais tu ne dois pas vaciller, tu dois faire preuve de toute ta force et rester totalement digne et stoïque face à ce que te font endurer tes persécuteurs, montre-leur qui tu es vraiment ! ». Comment pouvais-je plusieurs années à l’avance me demander « mais pourquoi ne créent-ils pas une situation complétement factice impliquant l’adjudant-chef en question ? » Ils le faisaient mais c’est comme s’ils attendaient une situation extrême (pas une petite intervention banale) pour me tester sur une épreuve violente et terrifiante : un agent qui meurt réellement dans mes bras en jouant à la perfection son rôle d’agent.

Mais dans quel putain de cauchemar je me retrouve depuis tant d’années ?

Dés fois, je me surprends à rêver, à imaginer puérilement un vrai enquêteur, un true detective, une sorte de super-flic qui ne connaitrait rien de la vérité mais qui comprendrait en me lisant qu’il y a quelque chose qui cloche et qui aurait le bras suffisamment long pour enquêter. Il retrouverait sans doute, dans les archives du SDIS38, l’accident de mobylette, puis mes années comme SPV et mon alerte, puis les interventions banales que j’ai évoquées et enfin cette intervention grave que je relate. Il lui serait relativement facile de retrouver le lieu où je vivais, puis par extrapolation, de retrouver la maison de cette voisine décédée et il se retrouverait devant la fameuse haie de laurier. Il retrouverait tout. Mais alors une question se poserait à lui : « Tous les faits que mentionne cet homme sont rigoureusement exacts : je peux tout remonter pour me retrouver devant la haie qu’il mentionne. Mais l’interprétation qu’il en donne semble délirante. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? ».

J’ai un message pour toi mon cher true detective: « je ne connais pas la vérité. Je sais juste avec certitude qu’elle n’est pas en T3. Je te transmets simplement le maximum d’information que je peux. A toi de continuer le boulot. Ne lâche rien tant que tu n’as pas démêlé l’intégralité de ce merdier. Ne fais confiance qu’à ton flair, ton intuition. ». Quel pourrait bien être le sens d’un tel message au regard de T2 ? Mais je n’en sais rien ! Il faut tenter, c’est tout !

Faisons un bon dans le temps pour arriver dans les années 2020. Je me rends à cette époque tous les jours dans un Groupe d’Entraide Mutuel (GEM) : un lieu pour les personnes concernées par les troubles psychiques. Certains pourraient voir là une forme d’aveu à demi-mot que je serais malade. Il n’en est rien. Je me rendais dans ce lieu parce que quand on ne peut pas travailler de manière conventionnelle, il est crucial de trouver un lieu de sociabilisation au risque de mourir de solitude. Et des lieux de sociabilisation gratuits et sans alcool, il n’y en a pas 50. Je me rendais donc dans cette association pour donner et recevoir. Briser ma solitude et participer à briser celle des autres. Mais il n’y avait que des agents (en T1) et j’y subissais des persécutions terribles. C’était ça ou rester enfermé chez moi tout seul toute l’année ce qui aurait signifié à court ou moyen terme, le suicide. Dans cette association, je me lie d’amitié avec un homme d’une cinquantaine d’année qui commence à fréquenter ce lieu en même temps que moi. Nous devenons bons copains. Sa bonhomie, sa manière d’être authentique m’inspire confiance même si je reçois régulièrement de sa part des messages persécutants. J’essaie déjà à l’époque d’opérer au maximum une distinction entre la personne et le canal de transmission des messages (la partie agent). Mais au fil des années, la qualité de notre relation semble baisser sans que je comprenne exactement pourquoi. Mon pote est en fait gravement malade (tumeur au cerveau) mais il le cache : durant sa dernière année de vie, il ne peindra essentiellement que la mort (dessin à l’encre noire illustrant la mort) et il fera plusieurs vernissages dans notre association. Il me dira également régulièrement mais sur un ton dur « qu’il a peur de prendre l’ascenseur » mais sans laisser entendre clairement qu’il parle métaphoriquement de la mort. Au contraire, tout dans ses dires suggère qu’il parle vraiment de sa peur de monter dans un vrai ascenseur. Bref, c’est du langage codé en Allemand que je ne décrypte d’ailleurs pas à l’époque. Puis il sera hospitalisé et on sera averti qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre. Je me rendrai à son chevet en sachant pertinemment que je vais en prendre plein la gueule. Dans la salle d’attente, je me prépare psychologiquement à me faire rouer de coup par un mourant. Qui plus est par quelqu’un que j’aime beaucoup et pour qui j’ai beaucoup d’estime. Et cela ne manquera pas : dans son regard, il y avait une forme de colère voire de haine comme si j’étais un monstre : ce n’était pas simulable. Il aura des mots très durs « toi je ne veux pas te parler ». A la fin néanmoins, et alors que nous étions plusieurs, il aura ces mots qui sonneront pour moi comme une libération « ne vous inquiétez pas ». J’ai retranscrit déjà cet évènement dans mon article en T1 en considérant qu’un agent peut jouer son rôle jusqu’au bout, sans sourciller. Mais ce paragraphe avait-il sa place en T1 ? Comment pouvais-je avoir la certitude que j’allais me faire rouer de coup alors que rien ne le suggérait a priori ? Je le savais plusieurs jours avant ! Ma préparation psychologique consistait à me tenir prêt à être dans une forme de compassion et une tristesse complétement sincère pour mon copain en faisant totalement abstraction d’une bestiole qui parle à travers sa bouche c’est-à-dire en ignorant complétement cette facette-là de la réalité. Expliquez-moi comment je pouvais connaitre à l’avance l’exacte nature de l’épreuve qui m’attendait ? On ne peut exclure l’hypothèse de la T2.

Durant ces années, je m’étais également lié d’amitié avec une femme d’une soixantaine d’année, en très grande difficulté psychique. Elle souffrait d’une forme de dépression terrible depuis des décennies. Le tout associé à des persécutions qu’elle n’évoquait cependant quasiment jamais. Tout cela est déjà relaté en T1 et je ne vais donc pas tout réécrire. Néanmoins, je rappellerais l’essentiel : j’ai donné tout ce que je pouvais pour soutenir cette femme. Mais à un moment donné, une bestiole n’a pas supporté que je fasse quelque chose pour quelqu’un. A partir de ce moment, un remplaçant factice a été trouvé pour m’évincer. Et cette femme n’était plus autorisée à discuter avec moi. Je l’appelais pour la soutenir : elle décrochait, me disait « bonjour » mais n’étais plus autorisée à partager quoi que ce soit de vrai sur sa situation et sa vie. Elle n’avait le droit que de me faire « parler de moi » ou envoyer des messages équivoques. C’était vraiment tragi-comique : « elle décrochait et après le bonjour, elle n’avait littéralement plus le droit de dire un seul mot. ». Pour moi c’était un cauchemar (qui a duré plusieurs années) car si j’arrêtais de l’appeler j’avais le sentiment de l’abandonner mais si je l’appelais, elle n’avait pas le droit de parler d’elle-même avec véracité, uniquement de me persécuter. Elle était totalement coincée. Et elle a malheureusement fini par se suicider en 2023. Elle a pu néanmoins me transmettre un certain nombre d’information. Je les rappelle ici : « c’est horrible », « je ne peux pas parler de cela », « quand j’ai découvert la vérité… », « ils me persécutent depuis 29 ans », « ils les prennent très jeunes avant l’adolescence ». Ce type d’information a été interprété en T1. Mais je pense qu’il est bon également de les considérer au regard de la T2. Ils la tenaient, cela ne fait aucun doute mais elle semble orienter la vérité vers une dualité : il y aurait un « ils » mais ce « ils » est trop horrible pour qu’elle puisse réellement en parler. Le suicide a potentiellement représenté sa seule issue. Ne me demandez pas d’expliquer l’inexplicable. Si sa mort m’a beaucoup affecté, il y a également des couches de blindage tel sur mon psychisme aujourd’hui que j’ai eu également le sentiment d’avoir été quelque peu « insensible », « distant » face à l’horreur de la situation à savoir « ils ont tout simplement tué ton amie ». Je ne comprends tellement rien que la manière dont je relate une deuxième fois le cauchemar de cette amie résonne encore plutôt en T1 qu’en T2. Quelle leçon faut-il tirer de cette histoire horrible ? Je ne sais pas, je ne comprends pas. Peut-être qu’un Dieu veut me montrer ma propre insensibilité ? La facticité de mes sentiments et de mon psychisme ? Mais dans quel but ? Quel intérêt ? Plus subtilement, peut-être cherche-il à me montrer que « tout est neutre » y compris le pseudo-assassinat de mon amie ? Cette pas-si-affreuse-histoire-car-neutre s’inscrirait dans un contexte plus spirituel lié à « la voie » ? Ces derniers temps, j’ai reçu un certain nombre de messages en ce sens. Ce n’est qu’une hypothèse parmi tant d’autres. La neutralité ressentie d’un tel drame pose aussi la question de mon humanité : si je ne peux éprouver de vrais sentiments, en quoi suis-je encore un être humain ? Il y aurait donc deux messages distincts envoyés par un Dieu : (1) « tout est neutre » certes, « tout est vacuité, illusion, volonté de Dieu » (appelez-cela comme vous voulez !) mais (2) « scrute ton âme !» : « tu ne dois pas te contenter de l’amour « philia » mais chercher de toute ton âme l’amour « agapé » », « tu dois penser un peu moins avec ta tête et un peu plus avec ton cœur ».

L’accumulation de toutes ces personnes qui m’étaient chères et qui sont mortes (1) dans des conditions atroces et (2) en m’envoyant un message atroce, a fini par avoir raison de ma solidité psychique. Au même moment, mon deuxième oncle du côté maternel était en train de mourir. Durant ses derniers mois, je n’ai jamais trouvé la force de lui rendre visite. Je n’ai même pas pu me rendre à son enterrement. Je n’étais plus en mesure de « recevoir un énième message horrible ». Par chance, mon oncle était très entouré et n’avait pas besoin de moi. Néanmoins, voilà à quoi m’ont réduit ces persécutions : ne même plus trouver la force de se rendre au chevet d’un membre de sa famille mourant. La force qui me persécute, voyant que je ne peux me rendre au chevet de mon oncle pour tenter de m’éviter un énième message, trouvera un autre moyen de m’envoyer le dit-message. Je n’en dévoile pas le contenu car cela relève de l’intimité de ma famille. Cette fois-ci, le dit-message était relativement « soft ». Notez bien néanmoins qu’au bout d’un moment, ce n’est plus tant le contenu du message qui vous meurtri et vous affaibli mais sa simple présence. Et il n’est pas possible de se boucher les oreilles pour ne pas l’entendre : un message doit être délivré et sera délivré. Vous ne pourrez pas l’empêcher. Il faut chercher ailleurs d’autres moyens de s’en préserver : faire en sorte que le message passe à travers vous sans vous affecter mais sans que cela signifie un blindage de votre cœur et pour cela, il faut justement que votre cœur soit maître à bord. C’est pourquoi je recommande vivement d’avancer sur un chemin spirituel si vous êtes victime du même fléau que moi. Je vous conseille de choisir un chemin spirituel qui soit authentique pour vous. Qu’il s’agisse d’un chemin Chrétien, Musulman, Juif, Bouddhiste, Hindouiste etc. ou même Agnostique ou Athée. Suivez la voie qui parle le plus à votre cœur. Toute cette affaire pourrait d’ailleurs n’avoir pas d’autre objectif que de nous faire traverser ces terribles épreuves afin d’avancer toujours plus en avant sur le chemin du cœur.

Revenons quelques années en arrière en 2016. Mon premier oncle côté maternel est atteint d’un terrible cancer ORL. Avec mes parents, nous l’accompagnerons du mieux que nous pourrons durant ses derniers mois de vie. Mon oncle est un saint qui a vécu l’essentiel de son existence dans une solitude extrême et subie. Sa solitude subie est liée à une société -- et je m’inclus -- essentiellement individualiste et donc malade. Durant ses derniers jours de vie, je voulais en quelque sorte conjurer une fois pour toute, le mauvais sort en étant présent avec lui jusqu’au bout, jusqu’à son dernier souffle. Je dormais donc avec lui dans la clinique pour le veiller. Il m’a été relativement facile, en suivant sa saturation partielle en oxygène, de prédire avec une certaine fiabilité le moment de sa mort. Cela faisait quelques heures peut-être que je voyais descendre lentement la saturation, signe d’hypoxie grave. Il était sous oxygène et l’infirmière m’avait autorisé à essayer tantôt l’accès des 2 orifices du tuyau d’arrivé d’oxygène respectivement par la bouche ou par le nez afin de voir ce qui était le plus confortable pour lui subjectivement (parce qu’il était inconscient, agonisant depuis plusieurs jours). Je me rendais compte que, dans son cas, l’accès par la bouche était très légèrement plus efficace que par le nez, au regard des résultats de saturation partielle en oxygène. Je laissais donc le tuyau plutôt au niveau de la bouche. Durant les dernières heures, la saturation est passée de 82% à 74% me montrant bien par-là que c’était bientôt la fin. Vers 74%, le cœur est rentré dans une première tachycardie passant, de mémoire, de 90 battements par minute à 150 battements par minute soit proche du maximum possible (220 moins l’âge) pour lutter contre l’hypoxie. Cela a duré quelques minutes avant que le cœur repasse à 90 bpm. Il m’était difficile d’évaluer précisément le niveau de sédation de mon oncle et j’œuvrais depuis plusieurs jours pour quémander sans cesse l’augmentation des dosages d’hypnovel, valium et morphine, non pas pour faire mourir mon oncle mais parce que le niveau de sédation me semblait subjectivement insuffisant. Le niveau de preuve que les infirmières pouvaient me donner concernant le fait que mon oncle ne souffrait pas était, pour moi, insuffisant. Dans des moments comme ceux-là, on veut pouvoir se baser sur des certitudes scientifiques et non pas sur de l’à-peu-près. L’épisode de tachycardie extrême avait été difficile à vivre pour moi parce que je ne savais pas dans quelle mesure cela pouvait être ressentie comme de l’inconfort ou de la douleur pour mon oncle. Vers la toute fin, j’ai vu à l’accélération de la chute de la saturation qu’il s’agissait très certainement des dernières secondes/minutes de mon oncle qui agonisait depuis une semaine. Il était 2 heures du matin quand je décide pour éviter que ne s’éternisent ces tous derniers moments, de passer le tuyau d’oxygène de la bouche au nez : en faisant ce geste, je savais que je précipitais les choses et j’ai dit à mon oncle « allez, je t’aide un peu ». Instantanément, ma parole a déclenché un nouvel épisode de tachycardie. J’ai immédiatement interprété ce signe comme une interdiction formelle d’aller dans cette direction et j’ai replacé l’arrivé de l’oxygène par la bouche. J’étais déjà croyant à ce moment-là et j’ai clairement compris le message comme signifiant « tu n’es plus dans ton rôle ici, je n’attends pas cela de toi ». Croyez-moi, cela fait bizarre et je me suis exécuté instantanément, me reprochant même vaguement cette attitude.

Bien-sûr, j’ai fait en sorte que ma retranscription soit auréolée de vocabulaire scientifique pour laisser à chacun la liberté d’interpréter, comme bon lui semble, mon geste insignifiant et le message qu’il a immédiatement déclenché. Néanmoins puisqu’il s’agit de dire la vérité, sur le moment, je n’ai eu absolument aucun doute qu’un message divin à la fois calme mais ferme me disait « non : accompagne ton oncle en lui parlant et en lui tenant la main mais rien de plus ». A ce moment-là, il n’était pas question de T1 ou T2 ou de persécutions : Dieu m’indiquait simplement le chemin qu’il souhaitait.

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Viafx24, le 24 juin 2025